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Du libre et du gauchisme : une parenté fallacieuse

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–  dimanche 18 septembre 2005, par Antoine Pitrou

Le malentendu est récurrent, dans les milieux de gauche, sur la nature et la position politique des mouvements du libre (logiciel libre et art libre). Nous tâchons ici de dissiper ce malentendu qui se manifeste par des attentes inconsidérées et, semble-t-il, des déceptions entraînant réactions hostiles et sentiment de trahison.

Orthogonalité

Il faut le rappeler, le logiciel libre comme l’art libre n’ont aucune visée anticapitaliste. Le principe premier de ces deux mouvements est d’instituer l’échange au coeur du processus de création des oeuvres : non pas simplement de partager librement les objets finis résultant du processus de création (ce qu’a tendance à promouvoir, par le caractère restrictif de beaucoup de ses licences juridiques, et malgré l’absence de discours officiel là-dessus, l’initiative Creative Commons).

Les malentendus à ce sujet résultent du fait que les mouvements du libre comme certains mouvements de gauche peuvent avoir des objectifs temporels communs : par exemple, lutter contre le brevetage, lutter contre les mesures techniques de restriction des droits (DRM), lutter contre les monopoles artificiels sur des ressources essentielles... Par ailleurs, l’ensemble d’initiatives rassemblées couramment sous le terme de Culture Libre (popularisé par Lawrence Lessig) sont manifestement des initiatives militantes et politiques visant à la défense de l’accès à la culture. L’adjectif « libre » utilisé dans les deux cas peut ainsi faire croire à une parenté forte entre mouvements de gauche (ou anti-impérialistes, altermondialistes, etc.) et mouvements du libre.

Ce serait oublier que les objectifs ponctuels d’un mouvement doivent être distingués de ses principes profonds (principes qui survivent à la réalisation des objectifs que le mouvement se fixe de temps à autre), et que les principes des mouvements revendicatifs sus-cités d’une part, et les principes du libre d’autre part, font référence à des préoccupations entièrement différentes (et, bien sûr, nullement incompatibles). [1]

Ce serait oublier de plus que la culture - concept qui a la faveur unanime de ces mouvements revendicatifs - et la création d’oeuvres, même si chacune alimente l’autre, sont deux moments distincts du processus continuel par lequel l’homme témoigne aux générations futures de sa présence fugitive ; et que, comme le rappelle Antoine Moreau, les relations entre création et culture sont fréquemment et nécessairement conflictuelles [2].

Représentativité et direction

Le libre n’est dirigé par aucune structure politique ou similaire. La représentativité numérique des associations les plus visibles (FSF, Open Source Initiative, APRIL, AFUL, etc.) est minime pour ne pas dire insignifiante. Si l’on considère les actions du libre plutôt que les personnes, là aussi, on constate que l’immense majorité des actions sont effectuées en-dehors de ces structures.

Appeler à la rescousse les nombreuses organisations locales (LUGs - Linux User Groups -, etc.) ne change pas grand chose au tableau. Malgré l’absence de données chiffrées, de nombreuses conversations privées font apparaître que beaucoup de personnes qui s’investissent dans le libre (que ce soit en programmant, contribuant...) ne sont membres d’aucune de ces structures. Les groupements qui s’opèrent le plus souvent sont des groupements ad hoc, c’est-à-dire qu’ils s’opèrent en vue d’un projet précis et non l’inverse comme souvent dans le militantisme politique (la participation à des actions serait dictée par l’appartenance à une organisation).

Cela ne revient pas à nier le rôle dans la vie du libre des associations pro-libre - loin de là. Simplement à souligner qu’il n’y a pas de direction, ni autocratique ni collégiale, des desseins du libre : la politique du libre est la résultante des actions de chacun. Ce modèle d’organisation est donc fondamentalement différent de celui des mouvements de gauche, qu’ils soient structurés de manière autoritaire ou en réseaux de structures fédérées.

Le pouvoir ou non

Le libre dans son ensemble n’a, bien évidemment, aucune intention de pouvoir politique. Ses membres, individuellement, peuvent se comporter autrement : mais ils le font alors, ou bien pour eux, ou bien dans le cadre d’autres mouvements auxquels ils contribuent en-dehors du libre (ainsi quelques figures associatives du libre sont-elles membres à titre personnel de partis politiques).

Certaines interprétations prêtent pourtant au libre dans son ensemble de telles intentions : notamment celle, courante, selon laquelle le but essentiel du libre serait de lutter contre Microsoft. Cette interprétation est indéfendable sur plusieurs points : historiquement tout d’abord, le libre (comme communauté de pratiques et même comme ensemble de critères formalisé par Richard Stallman) existait à une époque où Microsoft, simple éditeur de logiciels propriétaires comme beaucoup d’autres, ne présentait aucune menace. De plus, la fréquentation de contributeurs du libre montre bien que la plupart ne se soucient pas de lutter contre Microsoft ou contre les éditeurs propriétaires, mais simplement de contribuer à une oeuvre logicielle - certains logiciels libres ne tournant même que sous Microsoft Windows. Enfin, un tel but ultime du libre supposerait que le libre n’aurait plus d’intérêt une fois Microsoft « vaincu », ce qui est évidemment un contre-sens.

Grilles de lecture

Il est, par conséquent, stérile de vouloir interpréter les actions du mouvement du libre, et les positions exprimées par ses membres individuels, à l’aune des grilles de lecture habituelles des mouvements de gauche. Ainsi, il ne sert à rien d’invoquer les épisodes traumatiques ou chargés affectivement du gauchisme, comme le stalinisme, l’autoritarisme de gauche, ou bien les épisodes de libération et de résistance (Commune de Paris, Révolution française, etc.). Ce constat s’étend bien sûr aux autres qualifications héritées du champ politique (« intégrisme », etc.).

De même, l’interprétation du libre comme une avant-garde d’un mouvement plus large (voir, par exemple, un article de Pierre Mounier) est erronée dans la mesure où elle apparente étroitement deux mouvements dont nous avons montré qu’ils étaient orthogonaux.

Ces interprétations sont hélas compréhensibles quand, par exemple, une figure importante du libre comme Richard Stallman les suscite en invoquant la devise de la République française (« Liberté, Egalité, Fraternité ») pour expliquer le logiciel libre à des responsables politiques et associatifs [3]. On voit ici que la volonté de faire apprécier notre mouvement à des personnes extérieures en utilisant des images frappantes peut amener à des malentendus durables qui desservent ce mouvement.

Conclusion

Il n’est pas de notre propos ici de dire que le libre vaut mieux que le gauchisme, ou que le gauchisme vaut mieux que le libre. Simplement que ce sont deux choses orthogonales. Les raisons abondent de ce malentendu courant consistant à donner aux mouvements du libre des visées anticapitalistes ou gauchistes, ou simplement à penser qu’il s’agit d’un mouvement revendicatif et politique comme tant d’autres. Ces analyses échouent à comprendre l’essence du libre, qui a fondamentalement trait aux conditions - non pas sociales et économiques comme dans les pensées marxistes, mais simplement éthiques et interhumaines - dans lesquelles sont fabriquées les oeuvres (qu’elles soient d’art, logicielles ou autres).

Nous espérons enfin que ce texte aidera à comprendre qu’il ne faut pas demander aux mouvements du libre (du logiciel libre, de l’art libre) de considérer leur rôle dans l’optique des constructions stratégiques traditionnelles en politique : notions d’avant-garde, de mouvement de masse, etc.

[1Dans un autre registre, dire que le libre a pour objectif le « partage de la connaissance », c’est confondre la fin et les moyens : le partage de la connaissance est un des outils du libre, ce n’est pas son objectif.

[2Lire La Crise de la Culture d’Hannah Arendt pour une discussion approfondie des liens entre art et culture. Arendt indique, par exemple, que les périodes où l’art s’est docilement soumis à la culture sont aussi celles où la production artistique fut la plus stérile.

[3Analogie reprise sans réflexion par certains militants associatifs et politiques, qui vont même parfois jusqu’à affirmer que « le logiciel libre est un logiciel républicain » (cf. par exemple une intervention de l’APRIL).

forum

  • > Du libre et du gauchisme : une parenté fallacieuse
    19 janvier 2007, par Tonio

    Par définition, le libre s’inscrit dans le mouvement libéral, tel qu’il a été esquissé par Montesquieu, Locke, Hume etc. C’est évidemment des aspects philosophiques du libéralisme (notion de liberté) qu’il s’inspire, plus que des aspects sociaux, économiques et politiques.

    Le discours politique associé (à tort ?) au mouvement du libre n’est bien sûr ni de gauche, ni de droite, ou plutôt, il pourrait être alternativement de gauche ou de droite suivant les époques et les contextes.

    Je pense cependant que le libre n’est soluble ni dans l’ultra-libéralisme (qui nierait la pertinence de la protection juridique des licences libres en tant qu’interventionisme du législateur) ni dans le libertarianisme ou anarcho-libéralisme (qui empêcheraient toute collaboration constructive entre les contributeurs au modèle).

  • > Du libre et du gauchisme : une parenté fallacieuse
    6 octobre 2005, par Nicolas Krebs

    Eric Raymond est le parfait contre exemple à l’affirmation selon laquelle le libre serait obligatoirement de gauche. Lire par exemple Daniel Glazman, « Pêtage de plomb sévère », Glazblog, 4 octobre 2005, http://www.glazman.org/weblog/dotclear/?2005/10/04/1284.

  • > Du libre et du gauchisme : une parenté fallacieuse
    6 octobre 2005, par joliciel brile !

    Penser que la question se pose, c’est la legitimer !
    Non le libre n’a rien à voir avec le cynisme, le christianisme primitif, l’anabaptisme, la commune de Paris, l’agriculture biologique, le taoisme...
    Ou il a à voir avec tout ça et tutti quanti...

    La bise...

  • Le libre symbole de nouvelles visions politiques
    29 septembre 2005, par Théo Bondolfi

    Merci Antoine pour cet article auquel j’adhère entièrement.

    J’aimerais rajouter un lien sur une grille de lecture qui me semble utile pour définir et identifier les critères et le programme politiques du Libre. A mon sens l’émergence du Libre, c’est un des symboles de l’émergence d’un nouveau modèle politique : le géocentrisme. Le capitalisme et le gauchisme, pour reprendre tes termes, sont tous deux des orientations politiques appliquées de manière plutôt anthropocentriste actuellement, et tous deux sont un peu géocentristes. Alors que le Libre est clairement géocentriste dans sa manière de fonctionner, au même titre que le microcrédit ou l’anthroposophie sont clairement géocentristes. Ci-dessous quelques explications à ce sujet.

    Je crois que le Libre manque d’un positionnement politique clair au sens profond du mot politique : quelle vie de la cité correspond aux réalités du "libre" ? quel mode de fonctionnement est spécifique au Libre ? quelles valeurs et principes véhicule le Libre ?

    Pourquoi RMS associe-t-il Libre et les 3 principes de la République française (Liberté-Egalité-Fraternité) dans ses métaphores ? Pourquoi Pierre Mounier relie Libre et émergence de nouveaux mouvements socio-économoques ? Pourquoi Libre est-il si souvent réduit à Linux ? Pourquoi les réalités du fonctionnement de la communauté Debian ou des contributeurs de Slashdot et de wikipedia sont si peu connues alors qu’elles sont bien plus représentative du modèle politique du Libre ?

    Toutes ces questions ont peut-être une même réponse : la compréhension du Libre reflête des options de vie personnelles et collectives qui demandent de l’effort, de la motivation fondamentale pour le bien commun, du temps, de "l’éthique transhumaine " comme le dit Antoine dans son article. J’ai tenté de résumé ce fil rouge de la gouvernance dans le Libre en un tableau avec une vingtaine de mots-clés (21 mots-clés symboliques pour le 21e siècle, pour être précis). Ce sont des critères qui définissent à mon sens la politique du Libre. Politique à nouveau au sens orientation, choix, critères pour gestion des ressources en société, et non au sens état. (lire à ce sujet la société contre l’état, de Pierre Clastres)

    En conclusion, je pense que la déclaration de l’indépendance du cyberespace est le meilleur manifeste politique du Libre, même si pour l’instant il n’est pas tellement reconnu comme tel. Le profil de son auteur est d’ailleurs significatif : John Perry Barlow est économiste, activiste politique, parolier de chanson (artiste) et manager influent. Il a rédigé et lu ce manifeste pour la première fois en plénière au Forum Economique Mondial de Davos, où il était invité comme expert en nouvelles tendances. Quant à cette grille de lecture anthropocentriste versus géocentriste, elle permet de définir le Libre dans nos pratiques quotidiennes. Or nos pratiques sont des actes politiques.

  • > Du libre et du gauchisme : une parenté fallacieuse
    23 septembre 2005, par Pierre Mounier

    Bonjour,

    je ne suis pas d’accord avec ton argumentation, parce qu’elle repose, à mon avis, à la fois sur une confusion et une réduction :

    Pour la confusion, puisque tu me cites nommément (merci au passage, ça fait toujours plaisir de savoir qu’on n’écrit pas pour rien), il me semble différent de considérer le mouvement du logiciel libre comme une avant-garde pour un mouvement plus large qui concerne les conditions de circulation des bien informationnels (ma position, qui n’est plus très originale d’ailleurs), et considérer que ce même mouvement peut servir d’avant-garde aux mouvements politiques de gauche existants.

    Sur les rapports entre logiciels libres et mouvements-partis politiques, je me permets juste de signaler que cette question s’inscrit dans une longue tradition politique : les exemples de l’anarcho-syndicalisme du début de siècle dans ses relations tumultueuses avec le socialisme politique naissant et des mouvements environnementalistes dans les années 70 avec les premières expressions d’une écologie politique sont les deux exemples qui me viennent immédiatement à l’esprit. Dire que ce n’est pas nouveau ne résoud évidemment pas la question, mais il est toujours utile de s’intéresser à ce qui s’est passé auparavant pour avancer.

    J’en viens à la réduction : tu accuses avec raison les gens de réduire le mouvement du logiciel libre à son expression politique et tu montres de manière très convaincante que non seulement le logiciel libre n’est pas seulement cela, mais qu’en plus, ce n’est même pas essentiellement cela. Je suis d’accord avec cette proposition. Mais je te rétorque qu’à ton tour tu réduis 1 : le politique 2 : la gauche à, en gros, des partis et mouvements politiques. Je ne me prononcerai pas sur ce qu’est l’essence de la gauche (parce que là, hein, on n’en sort plus), mais je peux t’assurer que le politique est par essence, bien autre chose que des partis politiques. On peut, par exemple, évoquer l’approche souvent citée d’Arendt, que tu aimes bien évoquer apparemment, comme la "mise en commun des paroles et des actes". Difficile de nier que le logiciel libre ait quelque chose à voir, même si c’est sous un angle limité et technique, à cette question.

    C’est bien pour cela que le logiciel libre est traversé de politique : à la fois parce qu’il s’est construit à partir de la question de la mise en commun et des règles qu’une société se donne pour mettre en oeuvre cette mise en commun, et aussi parce que cette expérience historique peut servir de modèle à d’autres contextes où la question de la mise en commun d’autres types de biens informationnels est aussi soulevée.

    La vraie question qui se pose à mon avis, est celle de savoir comment opère le modèle ; à quel niveau on modélise ? C’est une question que j’ai essayé de pousser un peu plus loin ailleurs et que tu poses aussi d’une certaine manière. Mais là où je ne peux pas te suivre, c’est lorsque tu remontes en généralité : dire que le logiciel libre n’est pas un truc communiste (comme dirait big bill), c’est évident. Dire que le logiciel libre n’est même pas par essence un truc "de gauche", comme tu le dis, je suis assez d’accord. Mais dire que le logiciel libre n’a rien à voir avec le politique, sinon à l’intersection d’occasions particulières, me semble illégitime.

    Bon, apparemment, tu réagis aussi dans cet article à des choses qui ont été dites à la Fête de l’Huma, dont je n’ai pas eu connaissance. Je réagis à partir de mon nombril, comme tout un chacun ;-)

    • > Du libre et du gauchisme : une parenté fallacieuse
      23 septembre 2005, par Pierre Mounier

      Je voudrais juste ajouter que l’utilisation du terme "gauchisme" n’est pas très judicieuse. Il me semble bien que le gauchisme ne désigne pas le fait d’être de gauche, mais a historiquement été utilisé au sein des mouvements et partis de gauche pour désigner ce que certains considéraient constituer une dérive par rapport à la "ligne". Je peux me tromper, je suis trop jeune pour l’avoir vécu ;-)

      • > Du libre et du gauchisme : une parenté fallacieuse
        23 septembre 2005, par Antoine

        Salut Pierre,

        Merci beaucoup pour ton retour. J’ai utilisé le mot de gauchisme pour indiquer que je me limite précisément aux mouvements de gauche (en tant que mouvements) et non à la gauche en tant qu’idée générale : comme toi, je veux à tout prix éviter de me positionner sur ce qu’est l’essence de la gauche ;). Il faut donc comprendre ce terme dans une acception très neutre.

        Sinon, moi aussi, je suis trop jeune pour connaître tous les sous-entendus, péjoratifs ou non, liés au terme "gauchisme".

        Pour le reste, tu as raison que j’ai traité deux questions différentes sans le mentionner clairement : la relation vis-à-vis des mouvements politiques organisés, et vis-à-vis de ce "mouvement plus large qui concerne les conditions de circulation des biens informationnels". Cependant je voulais faire passer l’idée que le libre est au-delà de la simple circulation des oeuvres "parachevées" : c’est un argument a fortiori pour dissocier le libre des mouvements revendicatifs qui se focalisent sur cette idée de circulation.

        Amicalement

        Antoine.

  • > Du libre et du gauchisme : une parenté fallacieuse
    21 septembre 2005, par jean-marc (ici), fu sun (là-bas)

    Salut,

    Il y avait longtemps que j’attendais cette petite mise au point tant elle était prévisible. C’est libroscope qui la fait. Bon j’attends la suite :D :D :D

    Maintenant une chose. Il faudra bien que le libre, un jour ou l’autre, s’identifie clairement à un modèle de société. Il n’est pas de gauche, d’accord ! Est-il de droite alors ? Ou veut-il, à l’instar du capitalisme, être un moyen d’organisation des échanges économiques ? Je peux me tromper dans la définition mais vous m’aurez compris.

    L’ambition est, sera nettement plus forte ; le capitalisme, n’étant, en toute logique, ni de droite ni de gauche, donc politique le libre laissera-t-il au politique les moyens de se l’approprier comme le capitalisme le laisse faire ?

    Ou ambition nettement moins forte, il se laissera intégrer, absorber par le capitalisme tel qu’on le connaît ? Ce qui impliquera, peut-être, la mise en cause de certains choix comme la mise ou non à disposition des sources, les choix des licences, la tendance à critiquer la GPL trop politisée de Stallman pour certains et trouver un type de licence plus modulable avec le propriétaire, etc.

    Ce que je saisis dans le libre est ceci : il aimerait bien être a-politique ( ni droite ni gauche) un peu à l’instar du capitalisme cependant il aura des conséquences en termes de politique, des choix de société qui seront faits en fonction. Du seul fait de laisser librement accès aux sources, il y a des conséquences politiques en termes de choix de société. De même que de mettre un prix aux produits du libre par exemple.

    Donc que les partisans du libre le veuillent ou non du fait de ses choix et de sa démarche il y aura des conséquences politiques en termes de choix de société qui ne laisseront pas indifférents les organisations de gauche ou militantes. Et cela, je ne suis pas sûr que les partisans du libre veuillent bien l’assumer ou s’en occuper d’où cette envie de toujours plus ou moins vouloir s’éloigner et de rester dans une sorte de neutralité intellectuelle, somme toute rassurante, sur le fond.

    • > Du libre et du gauchisme : une parenté fallacieuse
      7 octobre 2005, par ARt

      « le capitalisme, n’étant, en toute logique, ni de droite ni de gauche »

      Bon ! Je veux bien faire un effort pour assimiler votre cheminement métaphysique mais là, franchement, c’est du n’importe quoi. De telles affirmations - illogiques - mettent à découvert l’idéologie capitaliste qui cimente votre point de vue, quelque chose comme : le logiciel libre ne saurait être communiste parce que le communisme est politique ; mais le logiciel libre est capitaliste car le capitalisme est apolitique ! Aie !

      Le logiciel, libre ou pas, n’a pas d’appartenance de classe ; en cela il est comme les alphabets, les formules mathématiques, etc. On ne fait pas non plus une révolution sociale d’une lutte pour le logiciel libre. Jusque là, on est d’accord ! mais pour le reste, non que non !

  • le capitalisme a-t-il des visées antilibre ?
    19 septembre 2005, par olivier

    Si le libre n’est pas anticapitaliste le contraire est-t-il faux ?
    Pour répondre a cette question il faut savoir si le capitalisme est une entitée organisée capable d’avoir des visées. Vaste sujet que le capitalisme et son organisation.

    Ce qui est en tout cas constatable, c’est que le capitalisme est capable d’attribuer une valeur (en capital) à de l’immatériel. Il base cette valeur sur la prévision des revenus généré par le monopole d’exploitation de l’immatériel.

    Or l’immatériel est la sphère dans lequel évolue le libre. Il y a donc competition entre le libre et le capitalisme.

    Cette competition entre-t-elle dans la sphère du politique ? J’avoue avoir du mal à trouver des arguments pour dire que non. A l’heure ou un arsenal législatif prépare le terrain de l’architecture "trusted computing", où l’on jette de simple citoyens devant les tribunaux pour avoir accédé à de l’information illégale (p2p etc), la politique se mèle dans l’immatériel et donc du libre aussi.

    • > le capitalisme a-t-il des visées antilibre ?
      20 septembre 2005, par Antoine

      Or l’immatériel est la sphère dans lequel évolue le libre. Il y a donc competition entre le libre et le capitalisme.

      Il est difficile d’arguer qu’il y a uniquement compétition. Il peut aussi bien y avoir symbiose, parasitage... La question est ouverte de savoir quelle relation est dominante ; cela dépend probablement des périodes, des lieux, des contextes et des acteurs impliqués.

      Le capitalisme cherche à capitaliser sur toute activité, mais il est indifférent aux moyens utilisés. Si la liberté des oeuvres fournit au final plus de sources de revenus, le capitalisme y sera favorable (exemple connu : IBM embrasse le logiciel libre car cela valorise son offre de matériels et de services).

      • > le capitalisme a-t-il des visées antilibre ?
        20 septembre 2005, par Malicia

        Il est, si j’ai tout compris :) question de libre et de gauchisme tout du moins dans le titre du sujet, l’amalgame idéologique est en effet vite établi... De là à faire un parallèle avec les visées du capitalisme et la notion de « don » véhiculée par la philosophie du libre, faussement assujetti d’un « sans profit » par nombre d’auteurs, il n’y avait qu’un clic... Et pour cause, dans sa définition première le capitalisme se veut seul outil de prospérité : Il contrôle la matière et l’énergie par le détournement et l’amas de production, l’exploitation du marché et est le vecteur de la circulation des richesses... à sens unique^^, en ré-injectant sans cesse son produit dans la course aux résultats.

        Si l’on veut bien examiner ce que peuvent être ces richesses, la production intellectuelle et la livraison d’outils logiciels prend une part de plus en plus importante dans leu circulation.
        Il ne va pas falloir penser le monde et son avenir sans compter sur des technologies qui ne peuvent que devenir LE moyen de communication et de compréhension entre les hommes, inter-ethnies, international, inter continental, interplanétaire (clin d’oeil à Mr Cerf), pas le seul fort heureusement, mais le plus aisé et le plus rapide. Tout logiciel n’est pas destiné à parcourir la toile, mais la toile ne peut exister sans ^^, ni sans son support matériel, et il est question ici du libre donc de tout le libre.

        A partir de là l’essence même de cette communauté composée si hétéroclitement d’associassions, d’indépendants en tout genre, de quelques figures fortes en gueule ;) de rédacteurs prolixes et de fans répandant avec ferveur sur moultes forums leur signature « vive Nux, vive Mozilla ! » :) , l’essence donc du libre a bien du mal à faire reconnaître non pas sa légitimité nullement contestée mais ses objectifs.

        Je vais m’attarder sur un point seulement :
        C’est vrai, bien des attentes de propagation libre et gratuite de la connaissance, de réalisations logicielles et progicielles sont restées sans réel retour, étaient-elles justifiées ?
        Parmi celles-ci on retrouve en récurrence que je qualifierais de dénuée de bon sens cette idée que le libre doit forcément être totalement gratuit, et pour sa conception, et pour sa distribution, et pour le client final qui n’aurait qu’à profiter alors du travail de chacun, y compris celui des préconisateurs de sociétés sensées êtres payées pour leur proposer les solutions adéquates à leurs besoins exprimés.
        Le développeur qui fournit son source, fait don de son travail, souhaite pour le moins que son « oeuvre » ne soit modifiée que sous certaines conditions, que sa paternité soit établie et ainsi permet à d’autres de prospérer ; le distributeur, l’intégrateur etc... aurait-il tort de demander la première des reconnaissances d’un droit humain qui il me semble est l’un des fondement du gauchisme : Considérer que tout travail mérite salaire et que ne pas observer ce commandement (oui j’ai dit commandement ;=] ) en revient à exploiter le « travailleur ».... A méditer...

        C’est ici soulever toute l’ambiguïté et la contradiction d’esprits gauchisants hors des réalités économiques et des necessités vitales humaines. Je ne crois pas que notre dévoué developpeur se fasse griller ses brouillons de code le soir au dîner. Un pareil sort est fait aux ingénieux concepteurs et maîtres d’oeuvre en matière de technologies dites alternatives de production d’énergies, à en croire certains, le mécanicien qui monte sur votre voiture un moteur BingoFuel devraient se contenter de croquer ses boulons pour tout menu, sous prétexte que son action est anticapitaliste parce que généreuse et bienfaitrice dans l’abdsolu^^
        Il ne me semble pas contradictoire que rendre disponible et gratuite l’information et la connaissance via le libre (et vice versa) soit en contradiction avec la rémunération de leurs auteurs lors qu’il s’agit d’en exploiter commercialement ou industriellement les produits...

        j’ai volontairement réduit mon approche à ce sujet, car il fait partie des oppositions extrêmes entre ce capitalisme ambiant destructeur que nous connaissons et l’esprit même du libre qui se voudrait vecteur de partage... mais pas à n’importe quel prix ! Pas celui de l’exploitation totale !
        Il m’est cher de propager cette idée de fraternité, mais surtout celle du respect, et le gauchisme déviant vers la dictature idéologique sans tenir comptes des réalités me laisse esbaudie, quel manque de cohésion dans ces récriminations et rancoeurs de « déçus du libre » !

        Cette reflexion mise à part je souhaite répondre à ma façon à la question d’Olivier
        Citation d’Olivier :
        “ Or l’immatériel est la sphère dans lequel évolue le libre. Il y a donc competition entre le libre et le capitalisme.
        Cette competition entre-t-elle dans la sphère du politique ?”
        Compétition ? Non, le capitalisme trouve tout à fait son grain à moudre dans cet immatériel complètement palpable au final en monnaie sonnantes et trébuchantes, le libre n’a pas pour objectif (je crois^^) de devenir un rival à abattre tant idéologiquement qu’économiquement par les mentors financiers, bien au contraire, il se fond dans notre mode de vie, prend sa place et ne peut que souhaiter une réelle reconnaissance de son apport dans notre société.
        Le tout est bien politique si l’on s’attache à ce terme dans sa définition :
        Ensemble des pratiques, faits, institutions et déterminations d’une société.(ou du gouvernement d’un état, mais ce n’est pas notre propos ici)

        Fraternellement,

        • > le capitalisme a-t-il des visées antilibre ?
          26 septembre 2005, par olivier

          Salut,

          Je rebondis sur vos intéressantes réactions, et sur les 2 idées suivantes :

          a. Le capitalisme se sert du libre, le libre n’est donc pas anticapitaliste.
          b. Travail mérite salaire.

          La thèse sur laquelle je travaille c’est :
          Dans l’interaction libre/capitalisme a-t-il "échec de marché" sur certains type de "produits" reconnus d’utilité publique ?

          Dans le cadre de la construction européenne et de l’uruguay round (négociation GATT - OMC), les concepts de culture et de diversité culturelle ont été reconnus juridiquement, et au plus haut niveau, vu qu’il s’agit de traité internationaux. C’est une base très intéressantes pour les activistes.

          Le libre est capable dans certains cas d’être plus efficace que les méthodes de valorisation de l’immatériel. Le meilleur exemple est wikipedia. Voyez ce qui a été produit en 2, 3 ans. Quel avenir pour les encyclopédies "traditionnelles" lourdes, très cher, etc...

          Or est-ce souhaitable que ces encyclopédies disparaissent ? Je pense qu’il est largement reconnu d’utilité publique qu’il existe des encyclopédies "controlées" ( vite dit, à la différence de wikipédia) dans une société moderne.

          On aurait donc ici un cas incontestable (à vous de me le dire :) ) d’échec des mécanismes du marché pour produire un bien nécessaire.

          Le marché est incapable, à l’Etat de prendre le relais.

          De là on peut commencer à travailler les concepts de licence légale, public-artiste, etc...

          Je serais content d’avoir vos réactions sur ce raisonnement de "l’échec du marché" à produire des biens reconnus nécessaire, et de la conséquente nécessité pour l’état de prendre le relais du marché (c’est à dire, un mouvement contre la tendance actuelle de le marché prend le relais de l’état).

          olivier

          • > le capitalisme a-t-il des visées antilibre ?
            15 novembre 2005, par aiywam

            Bonjour. Réflexion intéressante, qui a néanmoins un achoppement pas bien scellé : qu’est-ce qu’un bien "nécessaire" ? En quoi est-il nécessaire ? nécessaire pour qui et pour quoi ?

            Pour reprendre votre exemple, que quelque chose soit "reconnu d’utilité publique" n’en fait pas quelque chose de nécessaire ; en outre que quelque chose soit nécessaire n’en fait rien d’obligatoire : si le marché est incapable, l’Etat ne l’est pas forcément davantage.