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La technologie est-elle la solution à tous les maux ?

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–  dimanche 6 juillet 2003, par Julien Tayon

Dans les tribus à haut débit, le mythe est parfois tenace selon lequel la technologie est la solution adaptée à tout nos maux et mots numériques. En utilisant la technologie, les gens deviendraient miraculeusement plus intelligents.

Dans le monde de l’informatique professionnelle, il est une autre croyance : que l’informatique règle automatiquement tout les problèmes de l’entreprise. Notamment, que l’utilisation de systèmes pour tracer l’information permettra de terrasser ce monstre mythique que sont les dépassements sur un projet par une meilleure maîtrise de l’information.

Est-ce certain ?

L’informatique est, pour certains adeptes de l’Internet moderne, le moyen que notre société aurait de recréer de nouvelles communautés permettant à des gens de communiquer à travers tous les pays. Ils en sont d’autant plus convaincus que leur pratique quotidienne de l’informatique prouve la véracité de leur dires : les communautés du libre en sont en exemple frappant, ainsi que les réseaux « hacktivistes ». Cependant, cette communauté est-elle aussi égalitaire qu’elle le prétend ?

Si l’on pose la question à un membre de la communauté du logiciel libre avec un peu de sens critique, sa première réponse sera que la première barrière est celle des cultures : les règles de bienséance appliquées sur Internet sont toutes disponibles certes, mais au vu de la masse d’information elles sont comme une aiguille dans une meule de foin ; quasiment introuvables.

Combien de personnes se souviennent-elles que le présupposé pour utiliser Internet reste de lire ?

En effet, même si un pays comme la France prétend que 90% de sa population est alphabétisée, combien ont un niveau de compréhension suffisant pour comprendre ce qu’ils lisent et s’exprimer clairement sur des forums ? C’est-à-dire combien sont vraiment lettrés ? [1]

Je ne saurais répondre, mais la différence entre ne pas être analphabète et avoir un niveau suffisant pour utiliser ce média de manière courante est significative ; sur une liste de diffusion publique sur Internet, les personnes faisant des fautes d’orthographe systématiques sont pénalisées. Les fautes d’orthographe rendent la lecture des informations malaisée. N’est-je pa rézon ?

Les systèmes d’information sont-ils utiles ?

De la même manière l’entreprise aime les systèmes d’information (et elle préfère ceux qui sont chers car cela les valorise) alors qu’aucune étude n’a su prouver leur impact, et qu’aucune n’a réellement calculé le retour sur investissement.

Les systèmes d’information (ou SI) sont utilisés pour améliorer, semble-t-il, la productivité d’une entreprise. Or la question que l’entreprise se pose est : quel gain espérons-nous tirer ? L’ordinateur est bête ; il ne sait malheureusement faire que peu de choses :
 reproduire bêtement et fidèlement à l’infini des actions pré-programmées.
 restituer avec une haute fidélité des contenus recopiables à l’infini avec un coût à la copie négligeable quelle que soit la distance physique réelle.

Il est donc typiquement utilisé pour trois tâches :
automatiser, stocker et transférer des données.

La première question qui se pose est : quelles sont les données valorisables ?

La donnée valorisable de l’entreprise est une information qui est liée à ses métiers mais qui n’est pas générique. Le réflexe de l’entreprise est pourtant de stocker beaucoup de données. C’est amusant car pour qu’une information soit utile sur un réseau informatique il faut pouvoir la retrouver en moins de temps qu’il ne faut pour :
 la demander à son voisin ;
 la recréer.

Pour qu’une information soit valorisable if faut pouvoir :
 la trouver et la lire plus rapidement à partir d’un SI qu’en décrochant son téléphone ;
 qu’elle soit exacte ;
 s’assurer que toutes les informations y sont.

Faut-il utiliser les SI pour stocker le maximum de données ?

La multiplication des données engendre une chose : la perte d’information. Le nombre d’informations augmentant, il est probable que l’utilisateur qui la recherche puisse ne plus la retrouver. On définit la qualité de l’information comme étant le nombre de choix pertinents disponibles à un utilisateur sur le nombre de choix total disponibles. Or les entreprises ont soit mis leur données en vrac dans des arborescences multiples, soit utilisé un portail unique [2]. Dans les deux cas, l’utilisateur sait que la donnée existe, mais il ne sait où la chercher... elle est donc perdue. Quel est donc l’intérêt de créer un système de gestion de l’information qui la met hors de portée de celui auquel elle est destinée ?

La tendance naturelle à vouloir stocker toutes les informations diminue l’efficacité d’un système d’information.

La deuxième question que pose l’informatique est : qu’est-ce qui est automatisable ?

La réponse de certains fut la suivante dans les années 90 : est automatisable tout ce que mon logiciel peut faire. Donc je vais acheter un progiciel intégré rempli de fonctionnalités afin d’automatiser mon entreprise. Nous avons donc vu de multiples entreprises se plier à la dictature de leurs logiciels intégrés, non pour faire des économies, mais pour justifier l’achat d’une solution informatique.

Ils ont parfois perdu dans cette contorsion une souplesse qui faisait leur avantage face à la concurrence tout en se saignant à blanc. Ce qui est amusant c’est que l’entreprise, royaume de la maîtrise des coûts, est probablement incapable de chiffrer le coût de chacun de ses SI, et parfois même de les dénombrer. Faites-en l’expérience vous-mêmes.

Pour plus d’informations sur le thème de ce qui est automatisable lire :
http://www.volle.com/ulb/index.htm

Fonctionnalités ou données ?

Le choix d’un logiciel sur ses fonctionnalités est souvent contre-productif pour deux raisons :
 plus les fonctionnalités sont multipliées, moins les fonctionnalités utiles sont accessibles à l’utilisateur, ceci diminuant l’efficacité du logiciel ;
 ce n’est pas le code qui compte mais les données.

Fred Brooks dans le Mythe du Mois-Homme disait : « montrez-moi le programme, cachez-moi les données et vous pourrez m’impressioner, montrez-moi les données et je saurai ce que votre programme fait ». Les données et les moyens d’y accéder sont importants. Avec l’évolution des interfaces (extranet, écran de saisies ...), il faut ajouter une autre séparation importante au niveau de la présentation :
 il faut séparer le contenu du contenant ; il est conseillé pour faire face aux évolutions futures d’utiliser des systèmes de présentation par gabarits (templates en anglais, squelettes sous SPIP).

La question que posent au final ces problématiques est : l’informatique est-elle un agent permettant de structurer l’action organisée ?

L’organisation se définit comme un ensemble d’individus en interaction les uns avec les autres dans le but commun de produire un bien, un service ... ou un mieux-être. L’informatique vous semble-t-elle la solution miracle à vos problèmes ?

En fait, oui, à une condition : que vous construisiez votre informatique sur des bases saines. Ces bases saines sont de savoir :
 quelles sont les informations pertinentes, et comment les retrouver ;
 quelles sont les choses que je peux automatiser ;
 quels acteurs doivent partager quelles informations et comment leur faire partager celles-ci ;
 est-ce le média adapté à mon activité ;
 est-ce que cette informatique a vraiment amélioré mon quotidien ?

Je ne pense pas par exemple que l’informatique soit le nec plus ultra pour aider un président à diffuser un message à destination de tous.

L’informatique est comme une maison. Que vous construisiez avec ou sans attention votre maison vous pourrez toujours lui donner une belle apparence, mais à la première pluie venue, avoir des fondations bien faites (et de facto une conception) vous assurera que votre maison remplit sa fonction : vous mettre à l’abri des incertitudes. Tant que le grain n’est pas tombé, toutes les maisons se ressemblent, pourtant est-ce l’apparence qui vous protégera ?

La pierre angulaire d’une informatique saine est de ne pas utiliser une informatique fantasmée avec de zolies interfaces et un coût d’enfer, mais de la remettre à sa place, au rang des automates et autres machines-outils, et de se permettre de l’évaluer sur des critères objectifs de résultats, et sur sa simplicité de fonctionnement : pensez-vous que Renault apprécierait une machine à visser les écrous qui fasse des mouvement erratiques rayant les carosseries, et ne vissant qu’un écrou sur trois ?

Tel est l’enfer de Libroscope : nous aimons les gadgets et l’informatique, mais lorsque nous voulons en parler au tout-venant, nous nous condamnons à vous parler de la méthodologie ; en effet, nous préférons essayer de vous faire partager nos joies d’avoir découvert un abri pour nos projets, plus que de vous en coller plein la vue avec des super bidouilles qui vous éloigneraient d’une pratique sereine de l’informatique. C’est dommage : la programmation d’un driver sous Linux c’est vraiment fun !

[1Alors qu’un analphabète est incapable de lire ou écrire, un illettré est incapable de donner du sens à ce qui est lu ou écrit.

[2Je suis un peu méchant quand même ; ils ont de supers outils pour « structurer » leur données après coup. Des outils de reporting ou des datacenter, qui sont de véritables feuilles de vigne faites pour cacher la misère.

forum

  • > Mettre ou ne pas mettre l’accent
    23 septembre 2004, par Alexis K.

    Je suis prof mais de maths donc je n’en suis pas sûr à 100% mais je crois qu’on écrit
    C’est à dire combien sont vraiment lettrés ?
    plutôt que
    C’est à dire combien sont vraiment léttrés ?

    même chose pour la note de bas de page
    Analphabète signifie incapable de lire ou écrire, illettré singnifie incapable de donner du sens à ce qui est lu ou écrit
    plutôt que
    Analphabète signifie incapable de lire ou écrire, illétré singnifie incapable de donner du sens à ce qui est lu ou écrit

    Amusant sémantiquement parlant de buter sur ces mots là non ?

    Ah oui, sinon, j’allais oublier : j’ai bien aimé l’article ;-)

    • > Mettre ou ne pas mettre l’accent
      24 septembre 2004, par Antoine

      Merci, j’ai corrigé.

      Sinon, j’aime bien ton petit site perso. Sympa et sans prétention ;-))

    • > Mettre ou ne pas mettre l’accent
      24 septembre 2004, par Julien Tayon

      Amusant sémantiquement parlant de buter sur ces mots là non ?

      Et bien je peux affirmer sans rougir que j’ai des problèmes d’orthographes récurrents, et j’en suis désolé car les autres rédacteurs en ont ras la casquette de me corriger.

      Ça a parfois du bon cependant : il me semble que cela a incité Antoine à rajouter un correcteur orthographique dans spip lab. En attendant je milite pour que tout les zone de saisie de texte des brouteurs web intègrent la corrections orthographique à la volée comme dans konqueror

      Ah oui, sinon, j’allais oublier : j’ai bien aimé l’article ;-)

      Comme quoi mon orthographe fautive n’empêche pas la compréhension de l’ensemble.

      Je ne te cacherais pas que nous aimons bien framasoft ici aussi : )

  • > La technologie est-elle la solution à tous les maux ?
    8 juillet 2003, par Valery Beaud

    Quelques coquilles trouvées au cours de ma lecture :
     "if laut pouvoir" => il faut
     "leur logiciels intégrés", singulier ou pluriel ?
     "le thême" => thème
     "fonctionnalités" ou "fonctionalités" ?
     "tout les citoyens" => tous

    Très bon article au demeurant... qui partage quelques idées avec les articles de la revue Automates Intelligents : le concept d’intelligence collective n’est-il pas l’avenir des systèmes d’informations ?

    • > La technologie est-elle la solution à tous les maux ?
      8 juillet 2003, par jul

      J’ai corrigé. Je te remercie.

      Je ne sais vraiment pas si l’intelligence collective est l’avenir SI. Je suis un partisan de la réfléxion approfondie avant l’action, et de résultats mesurables dans la mise en application.

      Je suis prêt à faire une interview concernant une étude de cas pratique, même si cela risque de ne pas paraître sur librocoscope [1].