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> « Le libre au delà du logiciel »

–  24 juin 2005, par Béatrice Guillaumel  –

Bonjour, je suis assez intéressée par l’informatique et les logiciels libres.
La question qui est posée sur la présence des femmes au sein de la communauté libre
me touche d’une manière plus ou moins directe. En ce qui me concerne, l’impression qui se dégage du milieu informatique, pas seulement le "libre", est qu’il est difficile pour une femme d’y être acceptée. Il est difficile pour moi de déterminer avec exactitude ce qui bloque, je ne peux m’exprimer que très subjectivement, ( mes propres bloquages entrant bien entendu en ligne de compte ) mais je vais essayer.
J’ai l’impression en premier lieu, que l’informatique est un "joujou" masculin, peut-être parce que c’est une modelisation du monde, une appréhension plus mécanique qu’organique. C’est mon interprétation et je ne prétend pas que ce soit une vérité objective. Ce qu’il en découle, selon moi, est qu’il est délicat pour un homme, qu’une femme puisse s’approprier un pouvoir sur son propre terrain, et risquer en cela de remettre en question sa compréhension et sa maîtrise de ce monde, surtout si elle intervient à un niveau fondamental. C’est à dire, au niveau des logiciels, ou de la programmation, qui sont les briques de l’édifice. Mais aussi au niveau des informations visuelles que sont l’image et l’esthétique informatiques.
En fait, là où j’ai ressenti le plus de difficulté, c’est au niveau de la communication.
Comme s’il devait y avoir un stéréotype pour être prise en considération, pour avoir le droit de s’exprimer. Une sorte de language, de code, que ce soit au niveau verbal ou graphique, qui montre son appartenance au groupe. Ce n’est pas un phénomène nouveau, et je pense que cela fait partie de toutes les communautés.
Le problème résidant dans le fait, que cette manière de se protéger induit aussi une fermeture qui bloque la circulation de la communication, et ainsi l’enrichissement, l’évolution, le renouvellement. Cette attitude de repli, refroidit l’enthousiasme et la vitalité, je trouve, et provoque, en tous cas chez moi, une impression d’abord de rejet, un sentiment qu’il faut se transformer, et finalement mentir sur soi, pour être acceptée. Or, ce mensonge, ne me paraît pas des plus appropriés dans une optique libre. Le verbiage, aussi, bien particulier, technocratique, a pu me donner l’impression que je n’étais pas à même de comprendre les idées, ou les concepts dont il était question, et donc me renvoyer à un sentiment d’inaptitude, ou d’impuissance .Tout cela, moi, me freine, et inhibe mon envie de participer aux interactions, à la circulation des idées, et à l’échange. Et cela me donne une sensation de fixité, de cristallisation, de me cogner contre un mur, qui entrave mon désir de participer, de m’investir dans ce domaine d’expérience par peur tout simplement d’être rejetée, ce qui n’est pas le sentiment le plus agréable à éprouver.
Je suis consciente que ce que je dis est tout ce qu’il y a de plus subjectif, mais c’est quand même un point de vue de femme, et donc j’avais envie de répondre à cette question pour le partager avec vous, et peut-être susciter une certaine compréhension du phénomène. Je suis peut-être trop sensible, mais c’est à double tranchant, parce que pour moi, la sensibilité fait aussi partie de la réceptivité, celle-ci étant la base pour moi de l’expression artistique et de l’ouverture d’esprit. Et pour ce qui est du renouvellement, de la dynamique communautaire, la réceptivité me paraît essentielle.
Il y a un peu de revendication, derrière cela, en fait une demande d’être ménagée un peu, pour pouvoir interagir avec les hommes d’une manière qui ne soit pas déterminée que par leur mode de communication.

Béatrice