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–  mercredi 19 mars 2003, par Thierry Pinon

On vous le garantit, les développeurs d’OpenBSD sont des codeurs, des crypto-trolleurs, OpenSSH oblige ! Il suffit d’écouter Miod Vallat nous raconter la véritable histoire de Richard Stallman (selon lui-même) pour s’en persuader. Mais réduire la contribution des développeurs d’OpenBSD au troll serait injuste et inexact. Le projet OpenBSD, outre le système d’exploitation lui-même, a apporté au logiciel libre de grandes contributions, dont la plus célèbre est, nul doute, OpenSSH. Et ce n’est sûrement pas la dernière. Miod Vallat et Marc Espie, deux développeurs français d’OpenBSD, ont bien voulu nous conter l’histoire et la vie du projet OpenBSD [1].

Au commencement fut le fork.

Comme son nom l’indique, OpenBSD, le système d’exploitation, est issu de la grande famille des BSD et plus précisément de 4.4BSD. Mais c’est suite à un fork du projet NetBSD qu’OpenBSD a vu le jour. Miod raconte que "le projet NetBSD est né fin 1993. A l’époque anonymous CVS n’existait pas. Le fork de OpenBSD est né de l’éviction de Theo de Raadt du projet NetBSD. On lui avait retiré son accès CVS en lecture/écriture. Il a alors lancé l’idée du fork en mars 1995. C’est à peu près à cette époque que l’on entend parler de NextBSD qui devient le 14 ou 17 Octobre 1995 selon les sources, OpenBSD".

Un fork oui, mais pour faire quoi ?
Miod nous éclaire sur le sujet "la notion de Open marque un volonté de transparence qui avait fait défaut sur le projet NetBSD. Dès le départ, OpenBSD bénéficie d’un CVS avec accès en lecture pour tout le monde, d’une mailing list publique, bref d’une lisibilité totale".

Outre cette notion de transparence, l’accent est également mis sur la qualité, ce que nous confirme Marc "on attache beaucoup d’importance à la qualité du code. En général, le code produit est revu par deux ou trois personnes en moyenne. Dans le cas d’un code non revu, le développeur devient automatiquement responsable de sa qualité". Miod renchérit "Notre maxime, c’est l’arbre doit toujours compiler. Il peut nous arriver de faire une boulette, mais il faut réparer au plus vite. C’est finalement assez rare, et quand c’est le cas, on s’en aperçoit assez vite".C’est ainsi qu’au fil du temps, OpenBSD a obtenu la réputation d’être le système d’exploitation sécurisé par excellence.

Une hiérarchie d’artisans.

"Sur OpenBSD on a une culture d’artisans" affirme Marc "notre logique c’est "pondre du code, pas de blabla". On a une organisation en territoire. A force de travailler sur des bouts de code, ils deviennent en quelque sorte ta propriété...ce qui ne veut pas dire que personne d’autre ne peut travailler dessus. Disons que l’on devient un peu responsable de la qualité de bouts de codes". Miod confirme que sur le projet OpenBSD, le mérite n’est pas un vain mot "la hiérarchie sur le projet OpenBSD s’appuie sur le travail, la disponibilité et la personnalité des contributeurs. Plus on effectue de travail, plus on est disponible et plus on a de chance d’avoir un accès en écriture au CVS ainsi qu’une certaine autorité. Sur le projet, il y a un chef incontestable, c’est Theo, et ce pour pleins de raisons et notamment le fait qu’il est brillant...Il se trouve qu’il a souvent raison sur plein de sujets. Il s’est beaucoup investi sur le projet par son travail, bien entendu, mais il a également investi pas mal d’argent personnel".

Une progression constante, des outils classiques et des contributeurs dans le monde entier.

En bons artisans, les développeurs d’OpenBSD utilisent des outils classiques de communication électronique (mailing list, mails privés, CVS etc...) avec un projet qui avance à son rythme, sans tambour ni trompette. Pour Marc "On ne peut pas parler d’étapes marquantes pour OpenBSD, ni même d’étapes. C’est une progression constante. On sort une nouvelle version tous les 6 mois environ. Mais on avance avec prudence, en effectuant de nombreux test et en mesurant au mieux la portée des changements. Il n’y a jamais de grosse révolution".

Quand on pose la question sur la motivation des contributeurs, la réponse de Marc est simple "Notre motivation est de faire du code qui marche mieux. C’est un jeu. Et puis, openBSD, c’est aussi notre OS préféré..." et ajoute malicieusement "pour openBSD, les besoins techniques sont déterminants. Maintenant, il faut bien l’avouer, une des motivations est de "faire chier" les gens de NetBSD, avec un petit côté contre-pouvoir.".

Coté contributeurs, selon Miod "actuellement, 50 à 60 personnes ont accès au commit sur le CVS. Depuis le début du projet, 120 à 140 personnes y ont eu accès. Sinon, il y a environ 150 mainteneurs, ce qui fait qu’au final deux à trois cents personnes travail sur openBSD. Il y a des contributeurs dans le monde entier. Canada, USA, France, Argentine, Japon, Belgique, Russie, Portugal [2]".

Relations avec le monde extérieur et problèmes rencontrés.

Quand on parle aux développeurs d’OpenBSD de la communauté du libre, un chapitre non négligeable est accordé à la FSF, comprendre le projet GNU. Selon Marc "On ne peut pas parler de difficultés majeures sur OpenBSD. Si, la FSF (ndlr : le projet GNU) est une difficulté. Le compilateur GCC rame de plus en plus, il est de moins en moins fiable. Or, il est très difficile de collaborer avec les gens de gcc. La solution ? Se débarrasser de GCC...on y travaille ! Le soucis avec la FSF, c’est qu’ils s’attachent plus aux problèmes politiques qu’aux problèmes techniques, et pour nous, c’est difficilement gérable. Nous avons souvent besoin de patcher GCC, et c’est très difficile d’aboutir à un résultat rapide. Sinon, les relations avec la communauté du libre sont bonnes. Il n’y a pas, par exemple, de problèmes d’incompatibilité entre les gens de NetBSD et OpenBSD. On emprunte certaines idées à droite à gauche. Quand par exemple on intègre KDE et que ça se passe bien, on est plutôt content. La seule difficulté, c’est avec la FSF...". Ce qui amène Miod à ajouter que "l’assurance qualité est problématique avec la FSF".
Quand on aborde le sujet des relations entre le projet OpenBSD et les entreprises, selon Miod "certaines sociétés ont basé leur solution de firewall sur OpenBSD. C’est très bien. On n’a pas de problèmes avec ça...".

Et l’avenir d’OpenBSD ?

Pour Marc, il s’agit de "faire en sorte que le plus de logiciels possibles tournent sous OpenBSD, pousser les gens à lire et à s’informer pour le choix des licences". D’ailleurs à propos de licences, Miod précise "nous avons réalisé un audit sur les licences de l’ensemble du code d’OpenBSD, dans un but d’uniformisation. Nous avons effectué à ce niveau pas mal de corrections. La licence rentre pour nous dans la démarche qualité. Sinon, un des objectifs est d’assurer une croissance raisonnable du projet. Avoir suffisamment de contributeurs / développeurs et conserver une certaine cohésion".
Marc ajoute "il n’y a pas de volonté, pas d’objectif de conquérir le monde, pas de prosélytisme idiot. Je conseille à mes étudiants d’essayer tout et de choisir ce qu’ils préfèrent...

Quant aux enjeux du Libre pour l’avenir, pour Miod "il s’agit clairement des brevets logiciels" et Marc ajoute "enlever la référence à GNU / Linux dans la doc gcc".

Incorrigibles on vous dit...

[1Entretien réalisé le 8 février 2003, lors d’un after du Salon Solutions Linux

[2Voir la carte

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