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–  samedi 20 mai 2017, par ChatonÉnervé

Vous vous souvenez de cet article d’antoine ?

Et bien maintenant ces mêmes loustics nous rackettent grâce à la loi, et moi ça me rend chiffon

Est-ce que je suis pour la méchanceté, la faim dans le monde, et l’inaccessibilité des contenus web aux « handicapés ».

Est-ce que vous l’êtes ?

Non.

J’ai été formé sur le tas en front (en-avant web) en agence web pendant 5 ans comme viandard avec beaucoup que je considère plutôt bons (pik pik, prism je vous salue).

Mon travail de codeur est plutôt la partie dite back (en-arrière).

L’avant et l’arrière se distingue par la proximité avec l’utilisateur. En arrière on dispose de données brutes en bordel, en avant, on doit permettre à l’utilisateur d’avoir un présentation concises des données afin que cela devienne de l’information.

Exemple : si je suis une encyclopédie et que vous recherchez la date de la bataille de Valmy, je ne vous donne que la date, c’est de l’information. Si je vous affiche en plus une recette de pain bagnat, vous perdez de l’information. Et si je vous présente la date dans un format que vous ne comprenez pas, vous n’avez rien. Mon métier est de m’assurer que la donnée (stockée sous une forme compréhensible des ordinateur) vous est restituées dans une forme compréhensible le plus largement possible pour les humains (oui, ça inclus les robots).

Je fais ce métier depuis 17 ans avec le même soin. Ce qui me permet d’avoir de l’expérience (c’est à dire que je me suis souvent trompé et que j’ai appris qu’il est dur de bien faire).

Donc, je ne veux pas être chien. J’ai failli, et je vais continuer à faillir. C’est pour ça que je ne suis pas considéré un expert. Moi, je pense que l’acceptation de l’échec fait partie de la réussite, et que les experts ne sachant dire qu’ils se plantent me semblent pas à même de s’améliorer.

MAIS

Voilà j’ai eu une formation obligatoire accessibilité. Avec un expert.

Mon beau pays, m’impose l’obligation de moyen à rendre accessible nos contenus aux handicapés sous peine de sanction. Sur le principe, je suis pour car c’est pas compliqué et que c’est du bon sens, et je vais continuer à oeuvrer dans se sens avec ou sans obligations légales.

La formation commence traditionnellement par la répétition en mode Pavlov de qu’est-ce que l’accessibilité numérique ?

Et on énonce les conditions qui restreignent la capacité des utilisateurs à accéder aux contenus toutes liées à des « handicaps », des différences physiologiques. L’expert n’a pas du tout apprécié que j’inclus les discriminations sociologiques et que j’insiste sur une approche radicalement non discriminatoire.

Mon père médecin, qui a beaucoup rencontré de gens maganés (mots Corse/Québécois indiquant l’altération physique) me disait que le handicap n’était pas le problème de la différence des personnes, mais celui de la différence de traitement de la société. On n’est pas handicapé si on est traité avec la même considération qu’un riche artiste scatophage exhibitionniste en plein action dans un resto qui allonge les billets.

Je ne pense pas que l’on ait fait chié des autistes fonctionnels comme Bill Gates, autant que d’autres qui avaient le tort d’être pauvre ou en déshérence (non, je ne pense pas à Ian Murdoch -le créateur de Debian- inélégamment annoncé comme autiste par par Bruce Perens).

Bon, je vais commencer à avoir le verbe haut, la parole qui s’emporte car le sujet me touche à cœur, donc, ma grammaire, mon orthographe et mon vocabulaire vont se relâcher : je suis dyslexique. Peut être, Asperger. Je m’en câlisse : je refuse de payer 160€ à des charlatans pour être diagnostiqué, et je veux pas de cette étiquette. On va faire comme-ci on ne savait pas, pourtant on va prendre l’hypothèse que je suis moi même un autiste fonctionnel, qui refuse d’être handicapé.

Et là je vais commencer à causer sérieux : le R.G.A.A. tel que fait en France, c’est de l’arnaque. Désolé pour les utilisateurs de liseuse d’écran, notre version de SPIP n’a pas tout les trucs qui permettent de dire que c’est une abréviation, de dire la langue de prononciation et tout le toutim. Je vous préviens que votre liseuse va avoir mal. Et c’est pas de ma faute.

J’ai compté 5 raisons majeures contre-productives pour lesquelles je suis farouchement contre le R.G.A.A.

Je vais me concentrer sur UNE.

On reprend, imaginez (et c’est peut être le cas, mais je n’ai pas envie de le savoir) que je pourrais être considéré handicapé

Moi, ma différence quelle qu’elle soit, j’ai de la chance, je l’aime pour tout ce qu’elle m’a apporté, malgré les emmerdes qu’elle m’a aussi apporté.

Donc, voilà je ne veux pas être reconnu handicapé, je veux qu’on me fiche la paix et qu’on me laisse vivre normalement, parce que je suis aussi (a)-normal que les autres.

Je suis incapable de me concentrer longtemps, je prend presque tout au premier degré, je n’ai aucune finesse sociale je suis inepte en ce domaine, je déteste le bruit, les stimuli forts et répétés, être enfermé, les contacts physiques non consentis mêmes légers, et que les mots que l’on emploie soient incohérents. Tout ça avec la même force, et mon cerveau voit des motifs et symétries partout. Au point que j’ai eu une phase théorie du complot.

Je parle correctement français, argot, anglais, 10 langages de programmation, je connais bien pas mal de normes et j’aime que les mots soient bien rangés dans leurs cases, et quand ce n’est pas le cas, j’ai le palpitant qui déraille.

Autrement dit je suis, dans le français de mon coin un chieur mal luné qu’on aime bien et pour lequel on fait des efforts de clarté quand on parle. Parfois on dit un poil psychorigide.

Mais ça c’est une différence que je compense. Je vis avec, et j’ai besoin de zéro adaptation. Et, les gens s’en foutent, et je suis okay avec ça.

Si on considère qu’une fois surmonté un handicap n’est plus une gêne, alors je ne suis pas handicapé, je me suis débrouillé.

Mais j’en ai chié sur cette formation. Notamment à cause du jargon parisien.

Je répète pour vous : DYSLEXIE.

Les mots mal employés me perturbent.

Aussi, je reviens du Québec où j’ai vécu 4 ans, j’ai des amis proches belges qui parlent français, et je suis issu de la banlieue, où l’une de nos barrières à l’accès au savoir était le jargon de nos profs d’univ.

Comme on dit par chez moi

« Quidquid novlangue dictum est, altum videtur. »

(qui parle novlangue paraît profond)

Bon, sur une demi-journée, avant que je décide de pas frôler l’infarctus en me calmant, j’avais déjà 40 occurrences de mots non traduits en français alors qu’il y avait des alternatives valables.

Armé de cette superbe référence (le grand dictionnaire terminologique) j’ai systématiquement trouvé des termes francophones adéquats et normalisés.

Pourtant, dès le matin j’avais verbalisé mon inconfort face au créole numérique parisien anglo-orienté : je ne comprenais pas comment mon expert comptait ouvrir 10 issues dans une pièce fermée avec son handicap. Au bout de 12 fois, j’ai compris qu’il ne s’agissait pas d’ouvertures, mais que le mot était le faux ami anglais mal prononcé.

Là, si vous êtes doté d’une assistance vocale, vous allez souffrir.

20 fois j’ai entendu en anglo-parisien le mot entête (header) prononcé : ideur.
En anglais c’est plutôt hédeur avec une forte inflexion sur la première syllabe. Français massacré, Anglais foulé au pied.

Je n’ose pas restituer toutes les prononciations martyrisée, les mots non traduits ayant des équivalents totalement adaptés en français utilisés en documentation technique normalisé,

Et pourtant j’ai été véhément, j’ai insisté que la première accessibilité pour les handicapés, développeurs et citoyens devrait être la langue dès le début.

Oui je suis passé pour un chieur mal luné.

Mais notre expert en accessibilité - non content de nous dire que les normes de lisibilité n’étaient pas si importantes - a persévéré à utiliser du franglais.

L’expert était fier d’avoir rédigé la norme.

Mais la norme R.G.A.A. est aussi imbitable que la norme dont elle est adaptée en anglais (W.C.A.G. 2.0). Au niveau lisibilité la norme anglaise est une sombre merde, et la version française son obscur reflet.

Le texte de loi français en plus est lui aussi imbitable.

Le référentiel documentaire est une meule de foin dont l’expert qui les a rédigé est fier d’avoir isolé les quelques pépites d’information sur son propre site web. Mais la définition numérique de l’information c’est justement ça : s’arranger pour avoir l’information pertinente aisément accessible. C’était donc un aveu de faillite.

Et après, moi je regarde ce que nos cousins de la belle province ont pondu.

Pour info, le Québec c’est 5 millions d’habitants et largement moins de de diplômés des universités et grandes école qu’en France, donc niveau ressources spécialisées, c’est que dalle. La France c’est 70 millions (14 fois plus et un taux de scolarisation dans le supérieur bien plus élevé).

Voilà le lien vers la mise en œuvre recommandée par le Québec pour l’accessibilité

Et non seulement c’est en français compréhensible malgré leur proximité avec les États-Unis et l’avertissement que ce texte s’adresse à des professionnels (donc soumis à l’influence anglophone).

Mais, phoque, ce texte est lisible en ostie de crisse de Tabernacle par des francopĥones ! De banlieue, des milieux défavorisés, d’Afrique, du Vietnam, et aussi des handicapés (peut-être pas tous, certes, mais sûrement plus).

Donc voilà pourquoi je l’ai mauvaise.

Handicapé ou pas, la première barrière à l’accès d’un contenu imprimé sur une feuille ou sur une site web, c’est la putain de langue. La base de l’accessibilité c’est la langue dans laquelle on rédige.

Je suis vénéré d’avoir dû jongler entre 2 langues mal maîtrisées qui ont été un frein à ma compréhension, et j’ai senti que j’avais un obstacle permanent à communiquer parce que je parle « français » du fait du regard d’un autre. Et je vous garantie que je suis pas un patriote attaché à la culture de la souche et aux flonflons. J’aime la langue, pas le drapeau.

Je rappelle la définition du handicap :

« toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujette à rencontrer des obstacles dans l’accomplissement d’activités courantes ; »

Je veux bien que mon expert a fait science po, qu’il soit handicapé, que je sois un chieur dont le discours sur la langue va me faire passer pour mec de droite, mais j’ai vécu en tant que banlieusard cette barrière de la novlangue comme un obstacle persistant.

Mon handicap c’est que je veux qu’on me parle bien français OU anglais, mais je déteste que l’on massacre l’un et l’autre. J’aime aussi l’anglais pour être honnête. Je saigne deux fois.

J’ai des tas d’autres choses à dire sur la fraude que représente la mise en application du R.G.A.A. mais j’ai décidé de me concentrer sur une seule : cette norme telle que présentée lors des formations est socialement discriminatoire tant qu’elle n’obligera pas les experts à employer un français correct, que les textes et la loi ne seront pas rédigées de manière lisible. Et certains handicapés et citoyens sont eux aussi touchés par ce problème, car certains handicapés eux aussi prennent cette barrière de la novlangue dans les dents.

Si les Québécois avec leurs moyens 14 fois inférieurs aux notre font mieux, ne réinventons pas la roue, leurs textes de loi sont sous licence libre.

Si nos formateurs excluent dans leurs formations du fait de la langue les gens comme moi, les locuteurs francophones non parisiens (banlieue, sous-traitant étrangers francophones, travailleurs francophones étrangers), cette formation est de la marde.

Osons admettre que la France a perdu son ... lead .. pardon que la France ne mène plus en terme de rayonnement culturel, d’intégration, et tournons nous humblement vers les francophones qui font mieux que nous, Suisse, Africain, Belge, Américains (ce qui inclus les Canadiens)....

En ce qui me concerne, je continuerais à rendre le contenu radicalement accessible à tous sans discrimination physiques, intellectuelles, et j’insiste à aussi inclure la différence de langage, de culture et l’aspect de la pertinence, ainsi que de la clarté.

L’accessibilité est plus que jamais un sujet, il est inadmissible que sa mise en pratique ne soit pas accessible à tous. Et (en anglishe) fuck le franglais cette langue de sous développé du bulbe pédants.

Et Tabernak, merci à Montréal de m’avoir appris à sacrer et que le français ça pouvait rester vivant sans prendre la poussière.

PS @Orqua : pour la traduction française de slider, je suggère glisseur. Potentiomètre c’est un bouton rond. Vous faites ce que vous voulez.

PPS Je suis conscient-e de mes nombreuses fautes d’orthographes et typographies, mais c’est ainsi que je suis, j’en ai marre de faire semblant. La forme ne l’emporte pas sur le fond, et moi aussi je fais des erreurs, et je veux qu’elles soient là.

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